La vie est fondamentalement un jeu de risques. Dès notre premier souffle, nous sommes plongés dans un monde chaotique et imprévisible. À chaque tournant, nos instincts agissent comme un navigateur vigilant, analysant et calculant : est-ce sans danger ? Est-ce risqué ? Quelles pourraient être les conséquences ? Ces questions, qui constituent l'arrière-plan de l'existence humaine, guident nos choix et façonnent nos parcours.
Cette inquiétude s'avère particulièrement intense dans nos relations de couple. Ce n’est pas un hasard si nous parlons de « signaux d’alarme » lorsque nous explorons les eaux incertaines des connexions humaines. Pourquoi ? Parce que les relations, par leur nature même, impliquent une exposition, c'est-à-dire un dévoilement de nos vulnérabilités. Or, là où il y a vulnérabilité, il y a aussi le potentiel de souffrance et d'anxiété.
Naviguer les signaux d’alerte
Notre sensibilité aux signaux d’alerte émerge souvent des cicatrices de nos expériences passées. Ceux qui ont été confrontés à des personnalités narcissiques développent souvent un radar affûté pour l’arrogance. D’autres, marqués par le chaos de l’addiction, deviennent méfiants même face aux indulgences les plus bénignes d'un partenaire. Et certains, après avoir lutté contre des sentiments de dépendance ou de rejet, se réfugient dans des relations superficielles, préférant la sécurité de la distance au risque d'engager une relation intime.
Le traumatisme façonne également notre évaluation des risques. Chez certains, il mène à l’évitement, c'est-à-dire un refus d’affronter quoi que ce soit qui rappelle la douleur. Pour d’autres, il les piège dans des schémas de répétition, inexplicablement attirés par les dynamiques qu’ils souhaitent fuir.
Mais voici le paradoxe : si la vigilance est essentielle, une vigilance excessive peut nous emprisonner dans l'étau de l'anxiété et nous empêcher d'agir.
Le rôle du risque dans la construction de la confiance
Pour établir une relation de confiance réelle et durable, il faut savoir prendre des risques. Dans des relations à long terme, ce phénomène devient particulièrement manifeste. Les erreurs se produisent et, avec le temps, elles peuvent s’accumuler comme le sédiment dans une rivière, troublant les eaux de la relation. Même lorsqu’un partenaire travaille activement à réparer les dégâts, l’esprit, façonné par le biais de confirmation, murmure : « Il recommencera ». Rien n’a changé.
Et pourtant, une vérité inconfortable s’impose : pour reconstruire la confiance, nous devons accepter de nouveau la possibilité d’être blessés. Ce n’est pas de l’imprudence. C’est faire preuve de courage. C’est reconnaître que l’intimité est un compromis. Êtes-vous prêt à prendre le risque d'être vulnérable pour rechercher une connexion profonde ? Ou sacrifierez-vous l’intimité pour éviter la douleur ??
La confiance n’est pas une condition préalable au risque, c’est le résultat de celui-ci. Lorsqu'en faisant fi de nos angoisses nous parvenons à atterrir sur un sol stable malgré la peur, c'est la confiance qui se construit.
Trouver l’équilibre entre sécurité et aventure
Je tiens à préciser une chose : prendre des risques ne signifie pas perdre son discernement. La vie demande à la fois sécurité et aventure. Il est sage de s’arrêter au bord du ponton pour évaluer les eaux en contrebas. Mais il y a aussi de la sagesse à reconnaître qu’une hésitation infinie conduit à la stagnation.
Cet équilibre est crucial dans les relations. La confiance n’est pas l’absence de douleur — c’est la conviction que si la douleur survient, les deux partenaires travailleront ensemble pour la guérir, la soutenir et la protéger. La confiance ne s'épanouit pas grâce à de grandes déclarations, mais à travers d'innombrables petites prises de risque. Chaque fois que vous êtes présent pour votre partenaire et que vous choisissez de croire en ses efforts, vous votez pour la relation que vous souhaitez construire.
Les “Trust Falls” sont une métaphore pour l’amour
Les « trust falls », ces exercices des retraites de développement personnel, peuvent receler une vérité profonde. La confiance, c’est se préparer à se laisser tomber en arrière, à se laisser aller, en croyant que quelqu’un vous rattrapera. Parfois, ils le font. Parfois, ils ne le feront pas. Mais chaque chute nous apprend quelque chose de fondamental sur nous-mêmes et sur les personnes qui nous entourent.
Quand au sein d'un couple la confiance est brisée, il faut de nombreux actes de foi pour la reconstruire. L’acte de tomber et d’être rattrapé — encore et encore — montre que l’engagement n’est pas une décision unique mais une pratique. C’est le choix quotidien de se soutenir, de se tenir à travers la vulnérabilité et de viser quelque chose de meilleur..
En effet, il y a un risque. Le risque de tomber, d’être blessé, de découvrir que la personne en qui vous avez confiance ne peut pas — ou ne veut pas — vous rattraper. Mais il y a aussi le risque de passer à côté de la connexion profonde qui ne peut naître que lorsque vous vous lancez ensemble, main dans la main, dans les profondeurs des mystères de la vie.
Alors, tenez-vous au bord du ponton. Regardez dans l’eau glacée du lac. Laissez votre cœur battre au rythme du frisson de l’inconnu. Et puis, quand vous êtes prêt, sautez. Vous pourriez découvrir que les eaux sont bien plus revigorantes que vous ne l’aviez imaginé lorsque vous remontrez à la surface.